Le ju-jitsu, ou jūjutsu ou encore jiu-jitsu (柔術, jūjutsu?, littéralement : « Art de la souplesse » ), regroupe des techniques de combat qui furent développées durant l'ère féodale du Japon par les samouraïs pour se défendre lorsqu'ils étaient désarmés. Ces techniques sont parfois classées en trois catégories principales : atemi waza (technique de frappe), nage waza (technique de projection) et ne waza (travail au sol).

 

Dans le terme « Jū-jutsu », « Jū » (柔) signifie « souplesse » et « jutsu » (術) signifie art. Il existe diverses transcriptions phonétiques approximatives ce qui explique les différentes orthographes1. L’orthographe ju-jitsu est la plus utilisée dans la littérature francophone, bien que cela ne corresponde pas à la consonance.

 

Le terme générique « ju-jitsu » cache une réalité historique bien plus complexe : en effet, il n'a jamais existé une discipline unique et strictement définie correspondant à ce terme, réalité qui correspond au caractère vague de cette désignation « art de la souplesse ». Il s'agissait de la discipline de combat sans armes, partie intégrante du programme enseigné par chacune des nombreuses écoles japonaises (les ryu), qui ont peu à peu périclité à la fin de l'ère féodale. Ce que l'on appelle couramment ju-jitsu, désigne aujourd'hui soit un enseignement bien spécifique à une école particulière (il s'agit d'une pratique minoritaire, et dans ce cas, il est précédé du nom de l'école en question), soit un enseignement regroupant des techniques héritées de ces écoles et transmises au début de l'ère moderne voire après la Seconde Guerre mondiale à un plus large public, grâce au travail de recensement et de conservation des techniques commencé dès la fin du XIXe siècle.

 

Au début du XXe siècle, des personnes se sont inquiétées de la disparition de ce savoir, due à la modernisation de l'armée, et ont collecté les techniques de différentes écoles (ryū ha) de ju-jitsu pour en faire une pratique moderne, adaptée aux besoins de la nouvelle société ; ainsi, naquirent le judo, dont les composantes viennent en majorité de l'école Kito (Kito-ryu), l'aïkido, émanation plus tardive de l'école Daito (Daito-ryu), ou plus récemment le jiu-jitsu brésilien, né de l'évolution d'une variante de judo (Kosen), elle-même instruite par l'école Fusen (Fusen-ryu). Véritable nébuleuse à l'origine de constructions plus ou moins récentes, le ju-jitsu est à juste titre souvent qualifié d'« art mère »2.

 

Bien que le ju-jitsu ne soit pas à l'origine du karaté, qui est une technique okinawaienne, d'origine chinoise, on en retrouve plusieurs similarités avec certaines anciennes formes de combats pratiquées sur les archipels des Ryūkyū. Bien avant l'avènement du Tode à Okinawa et dans l'archipel des Ryūkyū, les insulaires pratiquaient déjà une forme de « yawara » d'où découlent le ju-jitsu et le taijutsu. Le taijutsu et le ju-jitsu de cette époque étaient encore indissociables de cette forme de « yawara ». Ce taijutsu était une méthode de combat jalousement gardée secrète par la famille royale des îles Ryūkyū, les « Motobu ». C'était une méthode ancienne et incluse dans un style de Ryūkyū Kenpō qui était connue sous le terme « Udun Ti ». Elle porte aujourd'hui le nom de Motobu Ryū.

 

 
 

 

Le terme jūjutsu

 

 
Kanji de Jūjutsu.

 

 
Prononciation correcte de Jūjutsu.

 

Le terme jūjutsu traduisant de façon plus rigoureuse le mot japonais pour cet art martial est composé de deux kanji. Selon la méthode de romanisation du japonais la plus répandue, la méthode Hepburn, ces kanji devraient se définir ainsi :

 

  • (?) : mou, tendre, doux, souple
  • Jutsu (?) : art, moyen, technique

 

Si l'on s'en réfère à l'origine chinoise de ce terme, jūjutsu se traduit donc par « l'art de la souplesse »3 ».

 

On retrouve généralement "l'art doux" écrit d'une autre manière, soit : « ju-jitsu » ou encore « jiu-jitsu ». Toujours selon la méthode Hepburn, « ju-jitsu » ou « jiu-jitsu » se définiraient ainsi4,5 :

 

  • (?) : mou, tendre, doux, souple
  • Jitsu (?) : vérité, réalité, sincérité

 

On remarque ici que l'écriture du kanji jutsu (?) est très différente de l'écriture du kanji jitsu (?). Le jujitsu serait donc traduit de la manière suivante : « la vérité douce », « la réalité de la souplesse » ou « la sincérité du tendre », etc. Ce qui est très loin de la méthode de combat qu'est le « jūjutsu ». La confusion et la mauvaise prononciation entre « Jutsu » et « jitsu » remonte aux premiers échanges des occidentaux avec les nippons vers la fin du XIXe siècle. Pour toutes sortes de raisons, souvent politiques, la correction à la romanisation n'a jamais été apportée. Par contre, tous utilisent les bons kanji à l'écriture japonaise de cet art martial, le jūjutsu (柔術?).

 

Les origines du ju-jutsu

 

 
Technique de Jūjutsu : Kata Guruma.

 

Le concept principal du ju-jutsu est le , littéralement la « souplesse », c'est-à-dire éviter l'attaque frontale pour contrôler un adversaire plus fort, sans opposition de force. Par cette technique, ju yoku go o sei suru : le doux vainc le dur. Ce principe a donné naissance à un ensemble de techniques sophistiquées d'évitement, de canalisation de la force adverse, et de contrôle de l'adversaire par des déplacements, des frappes et des immobilisations obtenues grâce au contrôle des points vitaux et des articulations.

 

Les méthodes de combat connues comme le ju-jutsu sont vieilles de 1 500 ans au moins. Les débuts du ju-jutsu peuvent être situés dans la période turbulente au Japon qui s'étalait entre le VIIIe et le XVIe siècle. Cette période connut au Japon d'incessantes guerres civiles et les systèmes d'armement classiques furent développés et éprouvés sur les champs de bataille. Les techniques de combat rapproché faisaient partie intégrante de ces systèmes afin de combattre efficacement des adversaires portant armes et armure6.

 

La naissance du ju-jutsu coïncide probablement avec l'origine de la classe des samouraïs datée de l'an 792. L'armée était constituée à cette époque de soldats se déplaçant à pied et armés de javelots. Les officiers étaient recrutés parmi les jeunes fils des grandes familles et étaient formés au maniement de l'arc, au commandement des troupes et également au combat sans armes. L'empereur Kammu construisit le Butokuden, une école formelle pour ces officiers que l'on connaît sous le nom de samouraïs7.

 

À la fin du XIIIe siècle, les Mongols tentèrent d'envahir le Japon et les samouraïs se défendirent durant des années dans de terribles combats. Au XVe siècle, les maîtres d'armes établirent des koryū bujutsu (écoles traditionnelles anciennes) afin d'enseigner leur style du kenjutsu, l'art du sabre Entre 1467 et 1477, la guerre d'Ōnin fit rage, cette période vit le déclin du pouvoir des shoguns et le début du Sengoku Jidai, l'« âge du pays en guerre », qui dura cent cinquante ans.

 

Le premier jutsu ryū reconnu fut formé par Takenouchi Hisamori en 1532 et consistait aussi bien en des techniques usant du katana (sabre), du (bâton) et du tantō (couteau-sabre) que du combat à mains nues. Les sauts et les coups de pied n'étaient peu ou pas enseignés dans le ju-jitsu puisque les techniques étaient souvent destinées à des combattants portant une armure et que ces techniques sont risquées et difficiles à employer sur le champ de bataille (vêtements mal adaptés, risque de glisser et tomber, de se faire saisir la jambe…). Le terme jūjutsu commença à être utilisé vers 16006. Cependant, nombre d'écoles traditionnelles continuent d'employer d'autres termes tels que yawara, koppō, dakentaijutsu, yoroi Kumiuchi, etc. pour désigner leur art. En fait, le ju-jitsu n'est pas une discipline monolithique car de grandes différences peuvent apparaître entre des écoles portant toutes la même appellation de " jūjutsu ".

 

La légende du docteur Akiyama

 

Il y a très longtemps, vivait au Japon un certain docteur Akiyama. Lors d'un voyage en Chine, il fit la connaissance, en Mandchourie, d'une secte religieuse qui pratiquait une sorte d'autodéfense basée sur la connaissance du corps humain. Le docteur ne put prendre part aux entraînements mais fut autorisé à regarder les exercices. La discipline, qui s'appelait hakuda, permettait de se défaire d'un adversaire armé et visiblement plus fort. De retour au Japon, il essaya d'enseigner ces techniques à sa famille. Mais comme il n'avait pas pratiqué, il ne comprit pas le principe de base du hakuda. Ce principe, il le trouva d'une manière très naturelle. Il constata que durant l'hiver, les grosses branches du chêne se cassent sous le poids de la neige, alors que les fines branches du saule se plient et rejettent la neige. Voilà ce qu'était l'esprit du hakuda : employer la violence et le poids de l'adversaire pour le terrasser. Il nomma cette nouvelle méthode de combat le jūjutsu, l'art doux.

 

On retrouve le ploiement des branches sous la neige dans la légende de la création du judo, mais l'observation qui en est faite est attribuée à un moine.

 

Époque d'Edo

 

En 1603, Ieyasu Tokugawa forma un gouvernement militaire et ramena la paix et la stabilité économique et politique dans le pays. Ceci marqua le début de la période Edo (1603-1868). Sous la direction de Ieyasu Tokugawa, la société était divisée en cinq classes : les samouraïs, les paysans, les artisans, les marchands et les non-personnes. Seuls les samouraïs étaient autorisés à porter deux épées, le wakizashi (épée courte) à tout moment et le katana uniquement à l'extérieur. Cette période de paix présenta un problème pour les samouraïs qui faute de batailles n'avaient plus de revenus. Faire autre chose les aurait fait perdre leur statut pour les rabaisser à un rang inférieur. Les samouraïs sans maître devinrent des Rōnins. Le gouvernement essaya de les aider en leur attribuant des subsides et en les poussant vers l'éducation8. Beaucoup de samouraïs devinrent des professeurs d'arts martiaux, mais apprenant alors des styles sans armes. Ces styles sans armes furent développés à partir des styles de combat armé et furent collectivement appelés jūjutsu. Durant l'apogée de la période Edo, il y avait 725 styles officiellement reconnus constituant chacun une koryū bujutsu. Ces styles différaient selon qu'ils s'axaient plus sur les coups de pied, coups de poing, les projections ou les clés.

 

Ère Meiji

 

Une grande partie de la population commença à se sentir opprimée par le régime des Tokugawa et plus particulièrement la classe grandissante des marchands qui voulait accroître ses contacts avec l'Amérique et l'Europe. En 1868, le régime des Tokugawa s'écroula lors d'une guerre civile connue comme la restauration Meiji. Ceci marqua la fin de la période Edo, le pouvoir quitta le shogun pour revenir à l'empereur. Comme une grande partie de la classe des samouraïs supportait le shogun, celle-ci fut démantelée par l'empereur Meiji qui introduisit le « serment impérial des cinq articles ». La classe des samouraïs perdit donc sa position privilégiée lorsque le féodalisme fut aboli en 1871. En 1876, Meiji proclama une loi interdisant le port des épées, le symbole ultime du guerrier. Les samouraïs mécontents fomentèrent de nombreuses rébellions durant les années 1870, la plus célèbre fut menée par le héros de la restauration Takamori Saigō. Elles furent réprimées avec grandes difficultés par une armée nationale nouvellement formée. Les samouraïs avaient définitivement perdu leur profession et leur droit de porter les épées. Leur plus haute position sociale était abrogée après plus de mille ans d'existence.

 

Le Japon mena sa totale reconstruction en quelques décennies. Rétrospectivement, elle semble avoir été aussi rapide que radicale. Or, les changements ne s'opérèrent pas du jour au lendemain, mais par remaniements successifs et modérés des systèmes en place. La réhabilitation du Tennō, qui n'avait plus guère d'impérial que le nom, en fut le principal vecteur. La première réforme consista à refondre les structures administratives et sociales. Dès 1870, les Daimyō furent dépossédés de leurs fiefs, remplacés par des préfectures, et les paysans purent acheter des terres. Les samouraïs durent renoncer au port du daisho (sabres). Réduits au rang de simples citoyens, ils perdirent du même coup tout privilège économique. Mais si les rentes des seigneurs diminuèrent, elles étaient encore suffisamment élevées pour que ces réformes modernistes ne s'accompagnent pas, comme ailleurs, de violents soubresauts9.

 

Période expansionniste

 

Durant l'expansionnisme du Japon, un édit impérial déclara criminelle la pratique des vieux styles d'arts martiaux. Cependant, certains maîtres continuèrent de pratiquer leur art en secret ou s'expatrièrent pour permettre à leur style de se perpétuer. Ce n'est que plus tard, suite à la fin de l'occupation américaine en 1951 que l'interdiction de pratiquer le ju-jitsu fut levé, permettant une libre pratique de l'art[réf. nécessaire].

 

Période contemporaine

 

Durant l'occupation américaine, les différents styles de ju-jutsu furent bannis parce qu'on pensait qu'ils pouvaient contribuer au militarisme japonais. À partir de ce moment, un style de , plus axé sur la maîtrise de soi et de son agressivité (dans une optique de paix que les autres pratiques sportives partagent), et découlant du ju-jutsu gagna en popularité (judō, aïkidō). Le ju-jutsu appartenant au domaine des arts martiaux utilitaires, il ne s'est pas imposé comme sport aussi facilement, et la compétition n'y joue qu'un rôle mineur10. Le ju-jutsu (ou plus précisément, le kosen judō, découlant du ju-jutsu) a été exporté et enseigné par un immigrant japonais (Mitsuo Maeda) au Brésil à la famille Gracie ; c'est devenu là-bas une pratique proche du combat libre, que l'on nomme jiu-jitsu brésilien11.

 

Plusieurs fédérations et écoles de ju-jutsu se sont développées hors du Japon, d'abord dans une logique utilitaire. Selon les fédérations, le ju-jutsu a pu aussi être développé et pratiqué comme un sport de combat, dans lequel les techniques martiales sont restées à l'état de trace, le cadre réglementaire de la compétition sportive imposant une adaptation rigoureuse de la discipline d'origine. Certaines fédérations distinguent ainsi dans leur enseignement le ju-jutsu self-défense et le ju-jutsu sportif. D'autres ne pratiquent aucune forme de compétition sportive et revendiquent l'héritage purement martial de la discipline.

 

En France, le ju-jutsu est enseigné dans des clubs affiliés à la fédération française de judo, « jiu-jitsu », kendo et disciplines associées. On y retrouve les deux aspects de technique de l’autodéfense et de sport12. À l'origine, l'enseignement traditionnel sous forme d’autodéfense était majoritaire en France. Depuis quelques années, le fighting system se développe en parallèle du duo system. Le duo system correspond à l'expression technique. Les démonstrations et compétitions se font par couple mixte ou non et requièrent une grande précision de mouvement et intensité/explosion musculaire13. Le fighting system est une forme de combat se déroulant en trois parties non hiérarchisées dans le temps : pied-poing, projection et soumission. Pour gagner un combat il est nécessaire de marquer un ippon dans chacune des parties (full ippon). Cette forme moderne est plus agressive et évolue très rapidement, intégrant des techniques de grappling ou de lutte pour gagner en efficacité. Pour certains combattants c'est une alternative intéressante ou un tremplin pour le combat libre.

 

Deux bâtons sont utilisés : le Tambo, un petit bâton d'environ 30 cm et le Jo, un bâton plus grand que le précédent dont la taille va du sol à l'épaule.

 

Depuis plusieurs années, il existe une école jiu-jitsu taiken ryu.